trouble du comportement

C’est le soir du bain. Après avoir viré les chats de la salle de bains et fait couler le bain, j’appelle fourmisseau qui arrive en trottinant avec ses deux doudous.
Hé oui, depuis qu’il s’est rendu compte de l’entourloupe, à savoir qu’on avait un doudou de rechange en cas de perte, il réclame les deux ! On pose les doudous sur la commode et hop, au bain. Je répartis les jouets : petits poissons arroseurs, grenouille mécanique, livre en plastique, récipients en plastique divers, puis je pars en catimini mettre ses vêtements dans le panier à linge.

Lorsque je reviens, le coquin s’est redressé et il a attrapé les deux doudous. Il s’asseoit dans le bain, et… plouf !
Il aurait fallu immortaliser la mine déconfite qu’il a faite en ressortant de l’eau les doudous trempés. Mais c’est bien la seule chose qui prête à sourire, car les larmes n’ont pas tardé à suivre. Nous avons essoré les doudous du mieux possible, et hop, sur le sèche serviettes. Il était déjà 19h30, ça risquait d’être juste pour qu’ils soient secs à 20h pour le coucher.

20h : tentative de mise au lit sans doudou. Pleurs.
20h15 : tentative de mise au lit avec doudou mouillé. Hurlements. Doudou jeté par-dessus bord.
20h30 : fourmisseau calé devant la télévision avec son papa et un paquet de chips. RAS.

21h30 : fourmisseau est toujours devant la télé, et maman fourmi commence à fatiguer
(oui, quand maman est fatiguée, les petits vont au lit, c’est pas comme ça chez vous ??)

22h : Les hurlements deviennent tellement stridents qu’ils traversent même l’oreiller rembourré que maman fourmi a mis sur sa tête. Je craque, je récupère le petit, j’essaye de l’endormir avec moi. Les sanglots virent en quintes de toux, puis en pleurs, puis il glisse doucement dans le sommeil.

Le lendemain matin (quoi ? déjà le matin ? mais j’ai même pas dormi !!), au moment de partir chez la nounou les doudous ne sont toujours pas secs. Le temps d’arriver chez la nounou en voiture, fourmisseau les a jetés 3 fois par terre. On craint que la rupture soit définitive.

Depuis cet incident, une idée, lancinante, angoissante, trotte dans ma tête de maman. Dans l’actualité, ils parlent de dépistage précoce des troubles du comportement chez nos têtes blondes. Les enfants de moins de trois ans peuvent-ils être fichés pour tentative de meurtre par noyade sur la personne d’un doudou de compagnie ?

c’est bien un truc de fille !

Hier matin, nous garons la voiture dans le parking souterrain de la société. Nous nous approchons de la sortie lorsque mr fourmi me dit : « oh regarde, un chat sous la voiture ! » Je m’approche, intriguée, il y a bien un tout petit chat qui miaule. Mr fourmi poursuit sa route, je reste perplexe. Comment ce chat est-il arrivé là ? Comment va t-il ressortir ? J’en suis là de mes réflexions lorsque le chaton sort de sa cachette et s’enroule autour de mes jambes. Voilà qui ne ressemble pas à un chat sauvage !

Je finis par me pencher et lui tendre la main avec prudence pour qu’il la renifle, et là, paf, il saute sur les genoux, se love dans mon manteau, avec force ronronnements.

J’arrive à mon bureau avec cette boule de poils dans les bras. Mr fourmi se liquéfie sur sa chaise, les collègues sont morts de rire. J’installe le chat dans une grande caisse et je cours lui acheter de la litière et des croquettes à l’épicerie du coin.

Je profite de ma pause pour appeler les vétérinaires du coin, la SPA, et même le commissariat, mais il semble que personne ne soit à la recherche de cette minuscule usine à ronrons. La journée avance et la question devient cruciale : qu’est-ce qu’on fait du chat ???

Entre les partisans du « Remets-le dans le parking, il retrouvera son chemin » et « Dépose-le dans les bois, les écureuils lui donneront des glands », la bataille fait rage. J’en profite pour cacher la caisse dans le coffre d’une voiture.

Le soir, mon vétérinaire m’apprend que c’est une demoiselle. Elle n’a pas plus de trois mois, pas de maladie apparente, mais plein de puces (oups). Il cherche sans succès une puce électronique, sans grand espoir a priori, car les chatons se perdent rarement tout seuls. Généralement, on les aide un peu… Pourquoi ? A cause de sa fourrure noire, encore objet de superstition ?
Devenait-elle encombrante au moment de partir en vacances à la neige ?

On ne le saura sans doute jamais !

En attendant qu’on lui trouve une famille ou une association, la bestiole est en quarantaine dans le garage. Elle a même un prénom : Dryade, nymphe protectrice de la forêt. Pour un mâle, j’avais prévu Diesel. Ca collait bien avec l’affaire du parking et le fait qu’il m’ait généreusement tartiné le jean’s avec des traces de pattes couvertes d’un noir difficilement identifiable.

Je ne sais pas ce qui pousse les gens à abandonner un animal, ou à passer au loin en fermant les yeux et les oreilles pour ne pas avoir à aider un chat abandonné. Je ne sais pas non plus ce qui me pousse à jouer les Mère Térésa de la race féline. Au boulot, philosophes, ils disent : » bah, c’est bien un truc de fille ! »

opération doudou

Hier, c’était la soirée de Noël organisée par le village pour les petits. Maman fourmi ne sachant pas lire correctement une invitation, nous arrivons comme de bien entendu à 17h55 pour 18h30. Bonus du jour : il fait FROID. Nous trouvons refuge à la banque avec Fourmisseau, et mr Fourmi en profite pour saluer son conseiller, qui nous ouvre aimablement son bureau.
Après que fourmisseau a retourné jusqu’au moindre bout de moquette, nous prenons congé pour nous rendre à la soirée de Noël.

Une fois sur place, angoisse. Où est doudou ? Je sais qu’il l’avait en sortant de la voiture et en arrivant à la banque, mais ensuite, c’est le flou. Mr fourmi revient sur nos pas au cas où il serait tombé, pendant que maman fourmi, prévoyante, sort le doudou de rechange du sac.

Mr fourmi revient avec un grand sourire : doudou n’est pas perdu !! – Tu l’as ?? – Non, il est resté à la banque. Ah ?!
Sur le chemin du retour, on s’arrête devant la banque et on jette un oeil par la vitre : derrière la porte du bureau, il y a un genre de poteau avec un genre d’alcôve et dedans, un genre d’oreille de doudou qui dépasse.

Post-it : appeler la banque demain pour savoir si le livret doudou produit des intérêts !

condamnation centralisée

Aujourd’hui, nous sommes samedi, jour de promenade en ville, lèche-vitrines, et opération cadeaux de Noël. Heureusement j’emmène fourmisseau pour me donner un coup de patte. Pour l’appâter, je lui laisse le trousseau de clés et je l’installe dans son siège auto, derrière le siège passager. Curieux, il découvre avec ravissement le bouton de verrouillage centralisé. Comme la porte passager est ouverte, ça ne fonctionne pas, mais on entend : clic-clac, clic-clac, de la serrure qui essaye de se fermer mais n’y parvient pas. Fourmisseau rit beaucoup, je finis de l’attacher, je m’apprête à claquer la porte pour faire le tour de la voiture et me rendre côté conducteur.

La main sur la portière, j’amorce le mouvement. Clic-clac. Clic-clac. Soudain, un flash. Pendant une microseconde, je me vois, en dehors de la voiture, en train de faire de grands signes par la vitre, pour essayer d’expliquer à mon fils de 20 mois, comment appuyer sur le bouton d’ouverture des portes. Ou pire, moi, en train d’appeler mr fourmi en lui expliquant d’un air navré que notre fils s’est enfermé à l’intérieur de la voiture avec les clés. Et que sur le trousseau, il a aussi les clés de la maison, les doubles de la voiture se trouvant dans ladite maison.

Je tiens toujours la porte. Autour de moi, même les oiseaux retiennent leur souffle. Je vais faire le tour de la voiture pour ouvrir la porte conducteur avant de fermer l’autre. On ne sait jamais.

planning d’activité

mon chef m’a demandé de trouver une représentation visuelle sympa pour le planning de l’équipe

j’ai proposé une représentation sous forme de cercles concentriques avec les noms des projets

en dehors des cercles, deux zones : congés et RTT

chaque soir avant de partir, chaque personne prend une fléchette et la lance, et il devra consacrer sa journée du lendemain au projet sur lequel il est tombé

sauf s’il tombe sur une des cases congés, dans ce cas, il ne vient pas le lendemain.

ça a l’air de marcher du tonnerre, la plupart des gens se sont déjà entraînés à lancer un aimant sur ma feuille placée sur le tableau magnétique, en visant les congés, mais il faut dire que c’est pas facile avec un aimant.

j’ai déjà eu des propositions d’amélioration : à la place des noms des projets, la photo des chefs de projet ; et plutôt que des aimants, des fléchettes. 

quelques jours après… le planning d’activité est adopté par l’équipe. Tout le problème vient de la revanche du chef. Suite à mon planning, il a inventé le râlomètre. Régulièrement il déplace l’aiguille sur la bonne case : est en train de dormir / râle contre son PC / commence à agacer son voisinage / agace sérieusement le chef. Même pas drôle !!

signe particulier : robe tricolore

Lorsque nous avons vu Graffiti à la SPA, nous nous sommes demandés s’il s’agissait d’un mâle ou d’une femelle, et on nous a répondu : « elle est tricolore, ça ne peut être qu’une femelle », et cela m’a intriguée. Je me suis dit « sûrement une histoire de chromosomes sexuels »
Lorsque j’étais en classe de 1ère scientifique au lycée, j’étais passionnée par la génétique : comment un enfant peut-il avoir les yeux bleus si les parents ont les yeux bruns ? et autres problèmes du genre.

Et l’autre jour, me promenant sur le site du CNRS en lisant les communiqués de presse, je tombe sur un article au titre accrocheur :    Comment les femelles « font taire » de manière réversible un de leurs deux chromosomes sexuels ? [1] link


Cet article explique que ce sont deux chromosomes, les chromosomes sexuels, qui sont responsables de la différence entre les mâles et les femelles chez les mammifères (donc en particulier les humains et les chats).
Les mâles possèdent un chromosome X et un chromosome Y, alors que les femelles ont deux chromosomes X.
Pourquoi les appeler X et Y ? A cause de leur forme, l’un a la forme d’un X, l’autre d’un Y. On a très vite constaté que le Y serait un X auquel il manque un morceau.
Le chromosome X en raison de sa grande taille est donc porteur d’un nombre plus élevé de gènes que le chromosome Y.

Afin d’éviter que le fossé entre les sexes ne se creuse, la nature a trouvé un moyen pour compenser cette différence quantitative due aux chromosomes sexuels. Chez les femelles, un des chromosomes X est « inactivé » très tôt au cours de l’embryogenèse, ce qui se traduit par l’extinction de la quasi-totalité des 2 000 gènes portés par ce chromosome X.

Reste à faire un choix entre le chromosome X hérité du père ou celui de la mère. Encore une fois la parité est de mise puisque, chez la plupart des femmes, l’inactivation de l’X se fait au hasard et aboutit à une mosaïque de populations cellulaires dont certaines expriment le X maternel et d’autres le X paternel.

Le plus bel exemple de cette mosaïque sont les chattes tricolores : leur pelage noir, blanc et roux reflète l’inactivation de l’un ou de l’autre des chromosomes X.

?!? Mais on parle de Graffiti !
L’histoire m’a l’air encore plus énigmatique. Inactivation d’un chromosome ? Jamais entendu parler ! Et lorsque je tombe sur une énigme, j’ai du mal à lâcher prise. Il faut que je comprenne. Mon chaton me semble soudain bien mystérieux !

Chat et génétique

Je décide donc de faire quelques recherches avec les mots clés « chatte tricolore » et « génétique », ce qui me donne les liens suivants :

Génétique du chat : répartition des taches colorées sur la robe des chattes écailles [2] link

La Chatte d’Espagne [3] link

Notre Graffiti possède 2 chromosomes X, un venant de papa et l’autre de maman, que je ne connais pas. Mais selon un tableau de [3], on peut en déduire au sujet des parents, que :
– maman était rousse et papa noir
– ou maman était noire et papa roux
– ou alors maman était tricolore et papa soit roux soit noir.
Dans le premier cas, maman aura donné à Graffiti un chromosome Xo (X portant la couleur rousse [pour simplifier]) et papa un X+ (X portant la couleur noire)
Dans le second cas, maman a donné un X+ et papa un Xo.
Dans le troisième cas, maman a donné un X+ et papa un Xo ou l’inverse
En tous cas Graffiti possède un Xo et un X+.

Je dis [pour simplifier] car en réalité le gène O (Orange) est le gène responsable du remplacement de la mélanine brune (à l’origine de la couleur de base) par de la mélanine jaune [2].
Il peut se présenter sous 2 formes :
– « X+ », allèle « sauvage », qui ne modifie pas les couleurs
– « Xo », allèle mutant, qui remplace la mélanine « brune » quelle qu’elle soit par de la mélanine « jaune ».

Notre Graffiti a donc reçu un Xo (appelé aussi O sur certains sites) et un X+ (ou O+ ou encore o). C’est cette dernière dénomination (o minuscule) qui me laisse supposer que Xo est un gène dominant car O majuscule ; X+ récessif car o minuscule.

C’est ici qu’intervient la fameuse inactivation d’un chromosome X ! « Normalement », Xo étant dominant, il devrait masquer le X+ récessif et la chatte serait orange (rousse). Mais certaines plages cellulaires désactivent le Xo dominant pour faire apparaître le X+ récessif [1] : la chatte possède donc les 2 couleurs rousse et noire !

Pour revenir à la remarque « Graffiti est tricolore donc c’est forcément une chatte », prenons le raisonnement en sens inverse.
Démonstration par l’absurde : supposons que Graffiti est un chat. Ce chat possède donc un chromosome X et un chromosome Y. Pour être roux et noir il faut qu’il ait un chromosome X porteur de roux et un autre X porteur de noir donc il est XX… donc c’est une chatte 😉
On trouve parfois des chats tricolores (un mâle sur 3000), ils ont alors trois chromosomes (XY + un X en trop) et sont quasi systématiquement stériles, c’est une anomalie génétique [3].

Influence de quelques autres gènes

On arrive jusqu’ici à une chatte bicolore. Mais Graffiti, elle, est tricolore : rousse, noire et blanche. En fait il faut savoir que chez le chat, le blanc n’est pas une couleur. C’est une absence de couleur : certains poils ne sont pas pigmentés.
Il faut chercher cette fois du côté d’un autre gène : le gène « S » (white Spotting) qui est responsable de l’apparition de taches blanches plus ou moins étendues sur la robe du chat [2]. Il existe sous 2 formes :
– « s », allèle « sauvage », qui donne un chat sans taches blanches
– « S », allèle mutant, qui aboutit à un chat particolore c’est à dire bicolore ou tricolore.
Graffiti possède donc un gène S qui fait que certains poils ne sont pas pigmentés donc blancs.
L’étendue des taches blanches proviendrait en partie du fait que le chat serait homozygote par rapport au gène S (c’est à dire qu’elle possède deux S dominants) ou hétérozygote par rapport au S (c’est à dire qu’elle possède un S dominant et un s récessif) mais il n’y a pas de certitude [2].

Un autre gène, appelé D (comme densité ou dilution) est responsable de la dilution de la couleur de base et de la couleur rousse [2]. Il existe sous 2 formes :
– « D », allèle « sauvage », qui ne modifie pas les couleurs
– « d », allèle mutant, qui transforme les couleurs vives en couleurs pastelles.
Sur son carnet de santé, Graffiti est « tricolore diluée » car ses couleurs ne sont pas noir et roux éclatants. Elle serait plutôt gris foncé et beige. On peut donc penser qu’elle possède un gène d.

Il y a encore beaucoup d’autres gènes qui entrent en compte [3], par exemple
– les gènes qui contrôlent les dessins (ou motifs) dans la fourrure et l’expression de la couleur : Agouti (A), Albinos (C), Tabby (T)
– nous avons parlé des gènes qui contrôlent la couleur de la fourrure et sa densité : Noir (B), Orange (O), Densité (D)
– les gènes qui contrôlent le degré et le genre de masque de couleur de base : White Spotting (S), Inhibiteur (I), Blanc (W)

Mais je vais m’arrêter là, ayant quelque peu levé le mystère de la fourrure de Graffiti ! Pour plus d’informations (par exemple, si votre chat n’est pas tricolore…), vous pouvez vous reporter aux deux liens cités plus haut.

La chatte d’Espagne

J’ai trouvé, toujours sur Internet, un site où l’on définit la chatte d’Espagne comme une chatte domestique ayant un gène qui lui donne 3 couleurs et que l’on appelle calico. Ce gène est absent chez les mâles.
Il semblerait qu’une certaine reine Isabelle d’Espagne aimait particulièrement ces chattes au pelage distinctif et les gardait sous son toit. Cette légende semble s’être perpétuée en Nouvelle-France mais pas en Europe car les Européens ne semblent pas connaître cette chatte d’Espagne.
Source : http://www.petitmonde.com/iDoc/Chronique.asp?id=28073

Question génétique, c’est assez simplifié 😉
Selon [3], c’est une appellation qui désigne la petite chatte tricolore, qui s’est perpétuée de génération en génération, depuis les premiers colons arrivés en Amérique, jusqu’à nos jours. Comme les contacts avec la France n’étaient pas très nombreux, leurs descendants n’ont pas su qu’en Europe, plus personne ne parlait du Chat d’Espagne. Ce n’est toutefois pas une race car l’appellation désigne une couleur. Il ne peut y avoir de race s’il n’y a pas de mâle.
« Phénomène rare, c’est l’une des rares exceptions où la femelle a de plus beaux atours que le mâle. À cause de ses couleurs éclatantes, la Chatte d’Espagne a réussi un miracle: faire l’unanimité sur sa beauté et son originalité. Elle est à part des autres chattes, un peu comme si… elle était magique! »

Graffiti serait donc une petite chatte d’Espagne, un peu magique… mais ce n’est guère étonnant quand on voit comment sa présence a transformé notre maison !

Remerciements

Merci au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) / Délégation à l’information scientifique et technique (DIST) de m’avoir autorisée à citer le communiqué de presse (lien [1])

éléments sur la disparition de la carte grise

Dans la famille des tête-en-l’air, je vous présente la fourmi et mr fourmi, tous deux en compétition pour la palme du tête-en-l’air d’or 2008.A force d’échanger nos voitures et leurs cartes grises, ce qui devait arriver arriva : nous en avons égaré une. Qu’on se rassure, il s’agit bien sûr de celle de mr fourmi (ben quoi ?) Je ne perds jamais mes affaires, seulement celles des autres. Accessoirement, je n’abîme jamais ma voiture à moi. Seulement celle des autres. Sans exception.

Je cherche donc comment demander un duplicata, et pour ça, mr service-public me dit de télécharger une déclaration de perte ou de vol, en trois exemplaires, à remettre ensuite en sous-préfecture ou à la mairie.

Jusque là, c’est bon. Je commence à remplir la feuille : nom du demandeur (mr fourmi), adresse, immatriculation.

Et puis plus bas : éléments sur la disparition de la carte grise : Date / Lieu / Circonstances

Mais… si je savais où je l’ai perdue, elle ne serait pas perdue !

le téléphone et les radiateurs

Un soir de la semaine dernière, le téléphone sonne. J’ai horreur du téléphone qui sonne quand je donne à manger à fourmisseau, alors j’expédie mr fourmi. Mon chéri, jamais contrariant pour un sou : « oui ? …. oui…. ok, lundi 18h30 »
hmmm ? keskidi ? c’était qui ?
– c’est pour changer les radiateurs, on a rdv lundi soir à 18h30.
– … (grrr)
En général quand ça me tombe dessus, j’ai forcément perdu mon travail ou eu un quatrième enfant ou alors je divorce et on vend la maison. Toutes les excuses sont bonnes pour me débarrasser du démarcheur, quoique je n’ai jamais essayé de me prétendre veuve (je me dis que ça en fait peut-être trop, des fois que le démarcheur connaisse quelqu’un dans notre entourage…)

Tant pis pour moi, je n’avais qu’à répondre au téléphone. RDV est pris !

Le lundi soir arrive, et moi avec, mais en retard, vive la circulation. Les hommes sont en grande discussion très animée. Je récupère fourmisseau qui clame à tue-tête sa désapprobation et j’essaye de lui donner à manger. C’est là qu’on entend des hurlements dehors : c’est encore le chat des voisins qui a attaqué la nôtre. Je récupère la mienne, griffée à la queue. Il parait que l’autre a un bout d’oreille en moins. Bien fait.

Bref je finis par coucher le petit, monsieur est encore dans ses explications techniques, ça a l’air fantastique, on signe tout, les radiateurs à fluide, le financement sur 12 mois, on lui offre même un jus de fruits. Il repart content, et moi je vais (enfin !) me pieuter.

30 minutes plus tard, mr fourmi déboule, angoissé, pour me réveiller :
– on s’est plantéééééééééés, c’est de la meeeeeeeeeeerde, faut tout annuleeeeeeeeeeeeer
– … (zzz)

(il faut bien reconnaître que mon sens inné de la répartie n’était pas au mieux de sa forme dans cette histoire…)

Le lendemain je prépare mes recommandés avec AR. Faut quand même que j’appelle le type, question de politesse. Mr fourmi veut pas. Moi non plus. Je me lance devant les mines goguenardes des collègues : « euh on sait pas si ça va marcher avec notre fil pilote, on réfléchit ». Pas moyen de lui dire carrément qu’on veut pas de ses radiateurs. Je raccroche dépitée, les collègues sont morts de rire.

Le matin suivant, je pars poster mes recommandés, ce n’est plus l’heure de tergiverser. Je rappelle. Gros problème, on a perdu la nounou, on est en panique, je vais peut-être devoir arrêter de travailler, on veut plus des radiateurs. Limite je suis arrivée lui faire verser une larme…

Mais j’ai regagné mes 3500 euros !

D’ailleurs il va falloir que je refacture mes recommandés à mr fourmi. Et puis interdiction formelle de répondre au téléphone. Non mais !

clara (2/2)

II

D’aventure en aventure, Clara avait un peu vieilli, mais elle n’avait pas oublié le bébé de la rue St Jacques. Elle gardait le bracelet comme un talisman, espérant que la vie avait été clémente pour l’enfant abandonné.

Un jour de printemps, elle passait à côté de la grille d’un jardin d’enfants. Les cris des enfants qui jouaient réveillèrent comme un vieux souvenir, elle s’approcha. Seule une fillette semblait à l’écart des autres, elle jouait distraitement avec un seau et une pelle, une femme assise sur un banc tout à côté la surveillait. Clara s’approcha de l’enfant. La femme lui sourit et, sans savoir pourquoi, lui adressa la parole.

« Elle ne répondra pas, elle est muette. Oh, pas de problème physiologique, non, les médecins n’ont rien trouvé. Elle a été abandonnée quand elle était bébé, on n’a pas retrouvé ses parents. Cela fait 4 ans. Elle n’a jamais voulu dire un mot »

L’enfant releva la tête, ses yeux rencontrèrent ceux de Clara. Les petites pupilles s’écarquillèrent, comme pour dire « Je te reconnais ! » Clara déposa le bracelet doré aux pieds de l’enfant et s’immobilisa. L’éternité était comme suspendue à cet instant. Soudain, l’enfant leva la main et désigna Clara, et tout à coup, elle prononça son tout premier mot, celui qu’elle avait peut-être réservé pour ces retrouvailles :

« Chat ! »

D’un bond gracieux, le félin se lova dans les bras de l’enfant et se surprit même à ronronner lorsque l’enfant lui caressa la tête, en répétant avec ravissement « Chat, chat ! »

On a beau ne pas croire aux contes de fée, il peut y avoir un lien qui se crée, au-delà du temps, des années, au-delà même des races et des espèces qui peuplent le monde, entre un bébé abandonné et une chatte de bohème. Clara a fini par croire aux contes de fée et abandonner sa vie de gouttière et ses rencontres d’un soir. Il paraîtrait même qu’elle passe désormais de longues soirées au coin du feu, et que la petite Romane l’appelle Choupette. Il n’est toujours pas question d’enfants ni de prince charmant, mais il est
certain qu’elles vécurent heureuses, et pour longtemps.

(texte écrit le 22/07/2007)

clara (1/2)

I

« Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants » C’est du moins ce que nous enseignent les contes de fée de notre enfance. Clara ne croyait ni aux contes de fée ni aux avenirs tracés.

Clara se réveilla en sursaut et mit quelques secondes à se remémorer où elle se trouvait. Elle était enroulée dans des draps blancs qui dégageaient encore un parfum d’homme. Il s’appelait Bertrand, elle logeait dans son petit appartement depuis quelques jours maintenant.

Ils s’étaient rencontrés suite à un drôle d’incident, il tournait rapidement le coin de la rue, son attention fixée sur le message qu’il tapait sur un vieux téléphone portable, elle, plongée dans ses pensées, ne l’avait pas vu arriver, il l’avait heurtée sans le vouloir. Il s’était confondu en excuses, avait jeté le mobile dans le caniveau pour faire bonne mesure. Comme elle était un peu sonnée et bouche bée, il l’avait prise dans ses bras pour s’assurer qu’elle n’avait rien. Le soir même, elle partageait son lit.

Quelque part, un bébé pleurait.

Clara quitta le lit pour faire un brin de toilette et s’examina sans complaisance dans le miroir. Elle était encore belle, les années de bohème passaient sans laisser leur marque sur son fin visage, pour combien de temps encore ? Elle replaça quelques mèches ébouriffées par la nuit et recula, satisfaite de l’image que lui renvoyait le miroir.

Plongée dans ses pensées, elle ne s’aperçut pas tout de suite que le bébé avait cessé de pleurer. Cet état de grâce ne dura pas. Ces vieux immeubles avaient certainement été édifiés dans des temps reculés où on ne parlait pas encore de normes d’insonorisation, pesta-t-elle pour elle-même. Personne ne pouvait donc aller voir ce que voulait le bébé ?

Elle décida de sortir sur le balcon pour identifier l’origine des hurlements. Il lui semblait que cela provenait de l’appartement voisin. Elle avait beau se pencher, impossible de voir à travers les carreaux gris et opaques de saleté des voisins. La porte qui donnait sur le balcon des voisins avait été laissée entrouverte, les balcons n’étaient éloignés que de quelques dizaines de centimètres. Clara ne prit pas le temps de réfléchir plus avant, quelques secondes plus tard elle franchissait le seuil de l’appartement.

Il était vraiment miteux. Un matelas défraîchi était posé à même le sol, le bébé était couché là. L’ameublement était spartiate, une vieille table de camping tenait seulement sur les trois pieds qui lui restaient. Une tasse de café encore pleine, à côté un croissant finissait de se dessécher. Des vêtements jetés pêle-mêle sur le sol, de vieux magazines. Aucune autre trace de vie, hormis quelques mouches qui bourdonnaient encore, les pattes engluées sur un ruban jaune qui pendait de l’unique ampoule.

Clara s’approcha du bébé. Il ne criait plus, sans doute fatigué d’avoir pleuré sans résultat. Elle murmura quelques paroles apaisantes à son oreille. Un bracelet de naissance était posé sur le matelas, la fermeture cassée, il avait dû glisser du poignet du bébé. C’était une fille, une petite Romane. Sous le bracelet, une feuille
de papier d’écolier à grands carreaux couverte d’une écriture hésitante. Quelques mots griffonnés à la hâte, prenez soin de mon bébé, pardon, une lettre de remord ou d’adieu. Clara, épouvantée, réalisa que personne ne viendrait au secours du bébé, abandonné, il mourrait certainement de faim dans cette pièce.

Le bébé ouvrit les yeux. C’était comme des abîmes bleus insondables, dans lesquels était concentré à cet instant tout l’espoir du monde. Clara resta figée. Le bébé finit par refermer les paupières. Clara se mit à réfléchir à toute allure. Même si elle criait par la fenêtre, personne ne l’entendrait, elle ne savait plus à quel étage elle se trouvait, mais l’ascenseur avait mis longtemps à les amener là. La porte était verrouillée, elle ne pouvait pas sortir. La personne qui avait abandonné le bébé avait laissé une lettre mais peu de chance à l’enfant de survivre. Une idée se forma, et, saisissant un vêtement dans le tas de chiffons, elle se précipita pour le jeter par le balcon. Sûrement des passants se poseraient des questions ? Frénétiquement, elle jetait tout ce qu’elle trouvait, la tasse de café froid, le vieux croissant. Elle entendait des rires dehors, ils croyaient peut-être à une scène de ménage ? Désespérée, elle finit par jeter la lettre d’adieu, si seulement le vent ne l’emmenait pas trop loin !

Il n’y avait plus rien à jeter. Elle retourna auprès du bébé, sa respiration devenait sifflante, le pauvre ange s’épuisait de faim.
Enfin, un bruit de pas dans le couloir, des coups contre la porte, des cris : elle reconnut la voix de Bertrand. Clara réalisa qu’on trouverait pour le moins étrange sa présence dans la pièce.
Instinctivement, elle s’empara du bracelet de l’enfant et s’échappa par la fenêtre d’où elle était venue.

Bertrand avait laissé sa porte entrouverte avant de frapper à l’appartement voisin. Elle en profita pour prendre la poudre d’escampette. D’autres gens arrivaient vers l’appartement. Personne ne fit attention à elle.