clara (2/2)

II

D’aventure en aventure, Clara avait un peu vieilli, mais elle n’avait pas oublié le bébé de la rue St Jacques. Elle gardait le bracelet comme un talisman, espérant que la vie avait été clémente pour l’enfant abandonné.

Un jour de printemps, elle passait à côté de la grille d’un jardin d’enfants. Les cris des enfants qui jouaient réveillèrent comme un vieux souvenir, elle s’approcha. Seule une fillette semblait à l’écart des autres, elle jouait distraitement avec un seau et une pelle, une femme assise sur un banc tout à côté la surveillait. Clara s’approcha de l’enfant. La femme lui sourit et, sans savoir pourquoi, lui adressa la parole.

« Elle ne répondra pas, elle est muette. Oh, pas de problème physiologique, non, les médecins n’ont rien trouvé. Elle a été abandonnée quand elle était bébé, on n’a pas retrouvé ses parents. Cela fait 4 ans. Elle n’a jamais voulu dire un mot »

L’enfant releva la tête, ses yeux rencontrèrent ceux de Clara. Les petites pupilles s’écarquillèrent, comme pour dire « Je te reconnais ! » Clara déposa le bracelet doré aux pieds de l’enfant et s’immobilisa. L’éternité était comme suspendue à cet instant. Soudain, l’enfant leva la main et désigna Clara, et tout à coup, elle prononça son tout premier mot, celui qu’elle avait peut-être réservé pour ces retrouvailles :

« Chat ! »

D’un bond gracieux, le félin se lova dans les bras de l’enfant et se surprit même à ronronner lorsque l’enfant lui caressa la tête, en répétant avec ravissement « Chat, chat ! »

On a beau ne pas croire aux contes de fée, il peut y avoir un lien qui se crée, au-delà du temps, des années, au-delà même des races et des espèces qui peuplent le monde, entre un bébé abandonné et une chatte de bohème. Clara a fini par croire aux contes de fée et abandonner sa vie de gouttière et ses rencontres d’un soir. Il paraîtrait même qu’elle passe désormais de longues soirées au coin du feu, et que la petite Romane l’appelle Choupette. Il n’est toujours pas question d’enfants ni de prince charmant, mais il est
certain qu’elles vécurent heureuses, et pour longtemps.

(texte écrit le 22/07/2007)