signe particulier : robe tricolore

Lorsque nous avons vu Graffiti à la SPA, nous nous sommes demandés s’il s’agissait d’un mâle ou d’une femelle, et on nous a répondu : « elle est tricolore, ça ne peut être qu’une femelle », et cela m’a intriguée. Je me suis dit « sûrement une histoire de chromosomes sexuels »
Lorsque j’étais en classe de 1ère scientifique au lycée, j’étais passionnée par la génétique : comment un enfant peut-il avoir les yeux bleus si les parents ont les yeux bruns ? et autres problèmes du genre.

Et l’autre jour, me promenant sur le site du CNRS en lisant les communiqués de presse, je tombe sur un article au titre accrocheur :    Comment les femelles « font taire » de manière réversible un de leurs deux chromosomes sexuels ? [1] link


Cet article explique que ce sont deux chromosomes, les chromosomes sexuels, qui sont responsables de la différence entre les mâles et les femelles chez les mammifères (donc en particulier les humains et les chats).
Les mâles possèdent un chromosome X et un chromosome Y, alors que les femelles ont deux chromosomes X.
Pourquoi les appeler X et Y ? A cause de leur forme, l’un a la forme d’un X, l’autre d’un Y. On a très vite constaté que le Y serait un X auquel il manque un morceau.
Le chromosome X en raison de sa grande taille est donc porteur d’un nombre plus élevé de gènes que le chromosome Y.

Afin d’éviter que le fossé entre les sexes ne se creuse, la nature a trouvé un moyen pour compenser cette différence quantitative due aux chromosomes sexuels. Chez les femelles, un des chromosomes X est « inactivé » très tôt au cours de l’embryogenèse, ce qui se traduit par l’extinction de la quasi-totalité des 2 000 gènes portés par ce chromosome X.

Reste à faire un choix entre le chromosome X hérité du père ou celui de la mère. Encore une fois la parité est de mise puisque, chez la plupart des femmes, l’inactivation de l’X se fait au hasard et aboutit à une mosaïque de populations cellulaires dont certaines expriment le X maternel et d’autres le X paternel.

Le plus bel exemple de cette mosaïque sont les chattes tricolores : leur pelage noir, blanc et roux reflète l’inactivation de l’un ou de l’autre des chromosomes X.

?!? Mais on parle de Graffiti !
L’histoire m’a l’air encore plus énigmatique. Inactivation d’un chromosome ? Jamais entendu parler ! Et lorsque je tombe sur une énigme, j’ai du mal à lâcher prise. Il faut que je comprenne. Mon chaton me semble soudain bien mystérieux !

Chat et génétique

Je décide donc de faire quelques recherches avec les mots clés « chatte tricolore » et « génétique », ce qui me donne les liens suivants :

Génétique du chat : répartition des taches colorées sur la robe des chattes écailles [2] link

La Chatte d’Espagne [3] link

Notre Graffiti possède 2 chromosomes X, un venant de papa et l’autre de maman, que je ne connais pas. Mais selon un tableau de [3], on peut en déduire au sujet des parents, que :
– maman était rousse et papa noir
– ou maman était noire et papa roux
– ou alors maman était tricolore et papa soit roux soit noir.
Dans le premier cas, maman aura donné à Graffiti un chromosome Xo (X portant la couleur rousse [pour simplifier]) et papa un X+ (X portant la couleur noire)
Dans le second cas, maman a donné un X+ et papa un Xo.
Dans le troisième cas, maman a donné un X+ et papa un Xo ou l’inverse
En tous cas Graffiti possède un Xo et un X+.

Je dis [pour simplifier] car en réalité le gène O (Orange) est le gène responsable du remplacement de la mélanine brune (à l’origine de la couleur de base) par de la mélanine jaune [2].
Il peut se présenter sous 2 formes :
– « X+ », allèle « sauvage », qui ne modifie pas les couleurs
– « Xo », allèle mutant, qui remplace la mélanine « brune » quelle qu’elle soit par de la mélanine « jaune ».

Notre Graffiti a donc reçu un Xo (appelé aussi O sur certains sites) et un X+ (ou O+ ou encore o). C’est cette dernière dénomination (o minuscule) qui me laisse supposer que Xo est un gène dominant car O majuscule ; X+ récessif car o minuscule.

C’est ici qu’intervient la fameuse inactivation d’un chromosome X ! « Normalement », Xo étant dominant, il devrait masquer le X+ récessif et la chatte serait orange (rousse). Mais certaines plages cellulaires désactivent le Xo dominant pour faire apparaître le X+ récessif [1] : la chatte possède donc les 2 couleurs rousse et noire !

Pour revenir à la remarque « Graffiti est tricolore donc c’est forcément une chatte », prenons le raisonnement en sens inverse.
Démonstration par l’absurde : supposons que Graffiti est un chat. Ce chat possède donc un chromosome X et un chromosome Y. Pour être roux et noir il faut qu’il ait un chromosome X porteur de roux et un autre X porteur de noir donc il est XX… donc c’est une chatte 😉
On trouve parfois des chats tricolores (un mâle sur 3000), ils ont alors trois chromosomes (XY + un X en trop) et sont quasi systématiquement stériles, c’est une anomalie génétique [3].

Influence de quelques autres gènes

On arrive jusqu’ici à une chatte bicolore. Mais Graffiti, elle, est tricolore : rousse, noire et blanche. En fait il faut savoir que chez le chat, le blanc n’est pas une couleur. C’est une absence de couleur : certains poils ne sont pas pigmentés.
Il faut chercher cette fois du côté d’un autre gène : le gène « S » (white Spotting) qui est responsable de l’apparition de taches blanches plus ou moins étendues sur la robe du chat [2]. Il existe sous 2 formes :
– « s », allèle « sauvage », qui donne un chat sans taches blanches
– « S », allèle mutant, qui aboutit à un chat particolore c’est à dire bicolore ou tricolore.
Graffiti possède donc un gène S qui fait que certains poils ne sont pas pigmentés donc blancs.
L’étendue des taches blanches proviendrait en partie du fait que le chat serait homozygote par rapport au gène S (c’est à dire qu’elle possède deux S dominants) ou hétérozygote par rapport au S (c’est à dire qu’elle possède un S dominant et un s récessif) mais il n’y a pas de certitude [2].

Un autre gène, appelé D (comme densité ou dilution) est responsable de la dilution de la couleur de base et de la couleur rousse [2]. Il existe sous 2 formes :
– « D », allèle « sauvage », qui ne modifie pas les couleurs
– « d », allèle mutant, qui transforme les couleurs vives en couleurs pastelles.
Sur son carnet de santé, Graffiti est « tricolore diluée » car ses couleurs ne sont pas noir et roux éclatants. Elle serait plutôt gris foncé et beige. On peut donc penser qu’elle possède un gène d.

Il y a encore beaucoup d’autres gènes qui entrent en compte [3], par exemple
– les gènes qui contrôlent les dessins (ou motifs) dans la fourrure et l’expression de la couleur : Agouti (A), Albinos (C), Tabby (T)
– nous avons parlé des gènes qui contrôlent la couleur de la fourrure et sa densité : Noir (B), Orange (O), Densité (D)
– les gènes qui contrôlent le degré et le genre de masque de couleur de base : White Spotting (S), Inhibiteur (I), Blanc (W)

Mais je vais m’arrêter là, ayant quelque peu levé le mystère de la fourrure de Graffiti ! Pour plus d’informations (par exemple, si votre chat n’est pas tricolore…), vous pouvez vous reporter aux deux liens cités plus haut.

La chatte d’Espagne

J’ai trouvé, toujours sur Internet, un site où l’on définit la chatte d’Espagne comme une chatte domestique ayant un gène qui lui donne 3 couleurs et que l’on appelle calico. Ce gène est absent chez les mâles.
Il semblerait qu’une certaine reine Isabelle d’Espagne aimait particulièrement ces chattes au pelage distinctif et les gardait sous son toit. Cette légende semble s’être perpétuée en Nouvelle-France mais pas en Europe car les Européens ne semblent pas connaître cette chatte d’Espagne.
Source : http://www.petitmonde.com/iDoc/Chronique.asp?id=28073

Question génétique, c’est assez simplifié 😉
Selon [3], c’est une appellation qui désigne la petite chatte tricolore, qui s’est perpétuée de génération en génération, depuis les premiers colons arrivés en Amérique, jusqu’à nos jours. Comme les contacts avec la France n’étaient pas très nombreux, leurs descendants n’ont pas su qu’en Europe, plus personne ne parlait du Chat d’Espagne. Ce n’est toutefois pas une race car l’appellation désigne une couleur. Il ne peut y avoir de race s’il n’y a pas de mâle.
« Phénomène rare, c’est l’une des rares exceptions où la femelle a de plus beaux atours que le mâle. À cause de ses couleurs éclatantes, la Chatte d’Espagne a réussi un miracle: faire l’unanimité sur sa beauté et son originalité. Elle est à part des autres chattes, un peu comme si… elle était magique! »

Graffiti serait donc une petite chatte d’Espagne, un peu magique… mais ce n’est guère étonnant quand on voit comment sa présence a transformé notre maison !

Remerciements

Merci au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) / Délégation à l’information scientifique et technique (DIST) de m’avoir autorisée à citer le communiqué de presse (lien [1])