Je tricotais un petit pull d’été en lin lorsque le vétérinaire a téléphoné, à 15h42, le vendredi 22 juin 2018.
2 jours avant, je m’étais aperçue que la litière du chat était restée propre depuis le nettoyage précédent, la veille au soir. Elle avait vomi plusieurs fois, mais ce n’était pas inhabituel. Le jeudi soir, nous avons vu qu’elle avait du mal à se déplacer. Elle respirait trop vite. Elle n’avait pas touché aux croquettes. Elle n’a pas voulu de pâtée. J’ai appelé le vétérinaire pour un rendez-vous le lendemain soir. Je l’ai veillée presque toute la nuit, sur une couette à côté de mon lit. Au petit matin, j’ai essayé d’appeler des urgences vétérinaires qui ne répondaient pas. Je suis allée chez un vétérinaire plus proche, en urgence, à 8h30, en larmes.
Le vétérinaire a été plutôt rassurant. Son état général ne semblait pas dramatique, elle n’avait pas l’air déshydratée. Il devait la garder en observation et pour des analyses.
Je tricotais, quand il a téléphoné. Les analyses n’étaient pas très bonnes du côté des reins. Il allait la garder jusqu’au lendemain et la mettre sous perfusion. J’ai dû partir pour le week-end sans elle. J’ai passé la soirée à faire des recherches. Google m’a informée que les symptômes pouvaient correspondre à une insuffisance rénale aigue, qu’il y avait de grandes chances, prise à temps, de nettoyer et faire repartir les reins, et qu’elle aurait des médicaments à vie. Google, c’est cet ami un peu hautain, vraiment relou, qui te fait savoir tout ce que tu aurais dû voir avant. Que quand elle buvait trop, ce n’était pas juste à cause de la chaleur. Que quand elle faisait pipi dans la cage, à chaque retour de week-end, ce n’était pas forcément pour protester car elle devait quitter la maison et le jardin. Que c’était des symptômes.
Je me préparais un cosmo, lorsque le vétérinaire a téléphoné, à 12h27, le samedi 23 juin. Il m’a dit que je devais venir, qu’elle ne pourrait pas être sauvée. Que ses analyses étaient tellement mauvaises que la machine ne pouvait même pas donner de valeur exacte. Il fallait venir, parce que ce serait la fin.
J’ai jeté le verre, et j’ai pleuré.
Je l’ai vue, chez le vétérinaire, dans sa cage dont elle n’avait pas bougé. Je lui ai demandé, je l’ai suppliée de venir me voir, de faire un effort, de vivre pour moi. Je l’ai prise dans mes bras. Le vétérinaire nous a tout expliqué. Les analyses tellement mauvaises, l’absurdité d’un acharnement thérapeutique. Sur la table, elle a mis ses dernières forces à se réfugier dans sa cage, comme après chaque vaccin quand elle me faisait bien comprendre qu’elle voulait rentrer à la maison. Nous avons signé les papiers. J’ai demandé comme ça allait se dérouler. Il y aurait une première piqûre d’anesthésie, elle devait mettre quelques minutes pour s’endormir. Puis la seconde, fatale.
Elle est partie comme ça, ma toute petite chatonne, sa tête posée dans ma main, ma tête posée sur son front. Elle s’est endormie en quelques secondes, tellement elle était faible. Je suis sans doute la dernière chose qu’elle ait vue, qu’elle ait sentie. Elle est partie, et c’est de ma faute. Elle était sous ma responsabilité. J’aurais dû connaître les symptômes. J’aurais dû faire en sorte qu’elle vive plus longtemps. Je sais que c’est impardonnable. Je n’ai pas envie de me pardonner. J’ai besoin de vivre ce chagrin et cette culpabilité, et de me dire que malgré tout ça, je mérite d’adopter un chat.