la lettre que je n’ai pas écrite

Coucou !

Comment vas-tu depuis le temps ? Ca doit bien faire 4 ans qu’on ne s’est pas vus, 4 années sans notre déjeuner annuel. C’est ma faute : j’attendais les grandes vacances pour souffler un peu et t’envoyer un message pour te proposer de se voir un midi. Qu’aurait-on fait cette année ? El Rancho ou le Paradis du fruit, comme du temps où j’étais à Vélizy, ou le Balto à Palaiseau, dont le nom cache bien qu’il abrite un super resto avec des viandes de l’Aubrac.

On aurait discuté des dernières nouvelles, photos de nos enfants à l’appui, on se serait extasiés sur le fait qu’ils aient tellement grandi.

Je voulais te raconter que pour la première fois, j’allais emmener ma petite famille camper cet été, et que j’ai quadrillé toute la zone autour du lac d’Hourtin pour retrouver le camping sous les pins où on avait passé quelques jours entre amis. Je ne suis pas certaine, celui que j’ai trouvé est bien dans les pins, mais à Carcans. Est-ce le bon ?

J’ai revu tes parents devant l’église. Ça faisait une éternité que je ne les avais pas vus. Je crois bien que c’était en 2002. Je venais de signer un contrat de travail après une période de chômage, courte mais tellement stressante, et j’étais toute seule dans la région, je ne connaissais personne, alors j’étais allée les voir pour fêter ça. Ils avaient été d’un immense soutien. Mais ce jour, devant ton cercueil, il n’y avait qu’une incommensurable tristesse. Ton frère aussi m’a reconnue. Je t’avoue que je ne m’y attendais pas, il était collégien, lorsque nous avons terminé nos études ? Je me rappelle un petit garçon qui m’avait expliqué très sérieusement, dessin à l’appui, pourquoi les durées du jour et de la nuit sont plus proches à Puy St Vincent qu’ici, parce que c’est plus bas vers l’Equateur. Tellement impressionnant que même aujourd’hui, je ne saurais pas le réexpliquer.

A l’église, mardi, j’ai aperçu de loin quelqu’un qui ressemblait beaucoup à un ancien stagiaire de chez nous. C’était bien lui. Le monde est petit ! Dommage que je ne l’aie pas su avant, on aurait bien ri de la coïncidence.

J’aurais bien voulu te demander si tu avais écrit la suite du roman que tu projetais d’écrire à l’époque. Je pense que je ne saurai jamais si Marc Morasti a vraiment tué Laura.

Tant de choses à dire qu’on ne dira jamais…

Tant de choses inachevées…

On aurait parlé des travaux, sans doute, et de mon prochain déménagement. Je t’aurais parlé avec tristesse de mon chat qui nous a quittés après 14 ans, le 23 juin dernier. On se serait demandé si on avait des nouvelles des anciens de l’école. Le déjeuner serait une nouvelle fois passé trop vite, on aurait sans doute été attendus à des réunions l’après-midi. On se serait dit « passe le bonjour à tes parents ! » et on l’aurait peut-être fait, et « passe le bonjour à ton conjoint ! » en sachant qu’on ne le ferait pas.

« Demain, il fera beau et j’irai me baigner »

Adieu, Ami.